Quelles conséquences de la fermeture des établissements recevant du public (ERP) du fait du Covid19 sur le paiement des loyers commerciaux ?
Les arrêtés du 14 et du 16 mars 2020 portant diverses mesures relatives à la lutte contre la propagation du virus covid-19 ont imposé la fermeture des lieux accueillant du public non indispensables à la vie de la Nation (salles de conférences, salles de spectacles, centres commerciaux, restaurants, débits de
boissons, salles de jeux, bibliothèques, établissements sportifs couverts, musées).
Si ces arrêtés imposent une fermeture administrative temporaire à des ERP, cette fermeture ne peut pas être invoquée par le locataire pour justifier du non-paiement de ses loyers car le contrat de bail commercial tient lieu de loi entre les parties et ne peut être modifié qu’avec le consentement mutuel
des parties (sauf exceptions).
Dans son allocution du 16 mars 2020, le Président de la République a annoncé que des mesures seraient prises face au risque de crise économique précipité par l’épidémie de Covid-19, notamment pour que les entreprises en difficulté (et notamment les plus petites) n’aient « rien à débourser, ni
pour les impôts, ni pour les cotisations sociales. Les factures d’eau, de gaz, d’électricité, ainsi que les loyers devront être suspendus ».
Un projet de loi habilitant le gouvernement à prendre toutes les mesures nécessaires en période de crise sanitaire a été déposé à l’Assemblée nationale. Il prévoit notamment des mesures d’urgence économique afin par exemple de permettre l’étalement du paiement des loyers et factures d’eau et
d’énergie, le renoncement aux pénalités par le fournisseur et l’interdiction pour ce même fournisseur d’interrompre, suspendre ou réduire la fourniture d’eau ou d’énergie en cas de non-paiement de ces factures par des TPE dont l’activité est affectée par la propagation de l’épidémie.
Le projet de loi précise en préambule que ces mesures ont pour objectif de pallier aux mesures prises par le gouvernement pour gérer la crise sanitaire (fermeture imposée des établissements, confinement des Français, absentéisme pour garder les enfants…).
Toutefois, le projet de loi précise que ces mesures s’appliquent en particulier aux TPE/PME, sans plus de précisions.
A ce stade, il ne s’agit que d’un projet de loi et rien n’est donc acté. Il convient de ce fait d’appeler les entreprises à la plus grande vigilance car ce sont en théorie les conditions contractuelles qui s’appliquent pour le moment (pénalités de retard de paiement par exemple).
Les bailleurs et les fournisseurs d’eau et d’énergie se préparent à cette éventualité et chaque entreprise connaissant des difficultés peut se rapprocher de son interlocuteur / conseiller habituel.
Toutefois, dans l’attente de ces mesures, c’est le droit commun qui s’applique.
Action 1 : au préalable, vérifier le contrat de bail commercial ou de fourniture d’énergie pour connaître les conditions qui sont prévues au contrat et notamment vérifier que la force majeure et l’imprévision ne sont pas expressément exclues.
Action 2 : informer le bailleur / fournisseur des difficultés financières rencontrées.
Même en cas de fermeture administrative temporaire, l’ERP locataire ne peut pas décider seul de ne plus payer les loyers ou ses factures (il engagerait en effet sa responsabilité contractuelle) et doit se rapprocher de son bailleur commercial / fournisseur d’énergie afin de l’informer des difficultés qu’il
rencontre et lui proposer :
- soit la suspension du paiement des loyers ou des factures durant la fermeture administrative temporaire de l’ERP en raison de l’épidémie de Covid-19 ;
- soit une baisse du montant des loyers ou factures durant cette période ;
- soit un aménagement des modalités de paiement (étalement par exemple).
L’ERP devra compter sur l’indulgence et la compréhension de son bailleur ou fournisseur d’énergie, notamment au regard de l’allocution du Président de la République.
Action 3 : si les solutions amiables ne sont pas satisfaisantes :
➢ Tenter de faire jouer la force majeure pour suspendre le paiement des loyers ou des factures durant la fermeture de l’ERP : En l’absence de stipulations contractuelles contraires, la force majeure définie à l’article 1218 du code civil s’applique et peut donc être invoquée. Cet article dispose que « il y a force majeure en matière contractuelle lorsqu’un événement échappant au contrôle du débiteur, qui ne pouvait être raisonnablement prévu lors der la conclusion du contrat et dont les effets ne peuvent être évités par des mesures appropriées, empêche l’exécution de son obligation par le débiteur ».< /p>
Afin de faire jouer la force majeure, l’ERP doit être en mesure de démontrer :
- que l’événement est irrésistible : pas de doute sur ce point avec le Covid-19 ;
- que l’événement est imprévisible : si la conclusion du bail commercial est intervenue avant
les débuts de l’épidémie de Covid-19, le critère de l’imprévisibilité est rempli ;
- l’empêchement pour l’ERP d’exécuter son obligation en raison de cet événement : c’est le point bloquant. En effet, s’il est possible d’invoquer l’épidémie de Covid-19 et ses conséquences politiques, sociales et sanitaires (restrictions de circulation, confinement, interdiction de rassemblements de plus de 5000,
1000 puis 100 personnes, fermeture obligatoire des établissements recevant du public…), le paiement des loyers est une conséquence économique indirecte de l’épidémie et non un empêchement immédiat de payer les loyers du fait de l’épidémie de Covid-19. L’ERP ne peut que difficilement faire valoir une baisse d’activités du fait de la fermeture de son établissement car cette fermeture n’entraîne pas un empêchement d’exécuter obligations du contrat de bail.
L’ERP devra donc démontrer à son bailleur qu’il est dans l’impossibilité totale de payer ses loyers ou factures (absence de trésorerie par exemple).
➢ Demander la renégociation du contrat de bail commercial pour imprévision
Si l’ERP subit une baisse exceptionnelle d’activités pouvant à terme impacter son chiffre d’affaires et sa santé économique, il a la possibilité de proposer au bailleur commercial ou fournisseur d’énergie de renégocier le paiement des loyers en raison d’un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat. Cela permettrait de réduire l’impact économique du Covid-19 pour l’ERP.
L’article 1195 du code civil dispose en effet que « Si un changement de circonstances imprévisible lors de la conclusion du contrat rend l’exécution excessivement onéreuse pour une partie qui n’avait pas accepté d’en assumer le risque, celle-ci peut demander une renégociation du contrat à son cocontractant. Elle continue à exécuter ses obligations durant la renégociation ».
Le bailleur ou fournisseur d’énergie a la possibilité de refuser cette négociation.
Toutefois, si le changement est suffisamment pérenne pour que l’ERP se retrouve en difficulté financière l’empêchant ainsi de maintenir son activité et de générer un chiffre d’affaires lui permettant d’exécuter son obligation de payer les loyers, le bailleur ou fournisseur d’énergie aura peut-être intérêt
à diminuer les loyers.
En cas de refus, l’ERP pourra éventuellement envisager la résolution du contrat ou demander l’intervention du juge.
En résumé, ne faites pas n’importe quoi avec vos loyers et factures d’énergie, cela pourrait avoir des conséquence dramatiques pour la suite !
Restant à votre écoute.
Frédéric de BOULOIS
Président UMIH 44
Posté par : Président UMIH 44 le 21/03/2020 505 vue(s)
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